Missive de la Grande Prêtresse des Bains d’Anaphore…

à l’Archipel des Haikus

Archipel assoiffé,

archipel desséché,

archipel aux terres arides,

le cœur de notre République se serre en imaginant vos bains déserts et vos bassins vides.

Nous avons plongé notre tête dans les vapeurs sacrées

et leur avons demandé conseil.

Elles ont tardé à nous répondre, mais enfin, après trois jours de jeûne et d’immersion, elles nous ont parlé.

Archipel assoiffé,

archipel desséché,

archipel aux terres craquelées,

bien sûr nous vous aiderons !

Nous ne demandons pas de diamants scintillants, car nos sols n’en manquent pas.

Un grand tuyau verra le jour. Nous le creuserons sous les terres du royaume de Zeugme, profondément enfouis pour qu’ils ne remarquent rien.

Nos machines se sont déjà mises au travail et avalent la terre à toute vapeur dans votre direction.

Nous vous offrons l’eau d’évacuation de nos bains, en quantité abondante, vous laissant le soin de la filtrer, de la nettoyer et de la purifier — nous insistions bien là-dessus, car nos gens ont tendance à s’enduire d’huile avant de se baigner. Nous vous offrons aussi les eaux de nos bassins des pauvres et des souffrants, qu’il sera bon de faire décanter une lune ou bien bouillir.

Apprêtez-vous, Archipel assoiffé,

à voir jaillir la source,

à nager dans le sacré !

Sentez-vous déjà le sol trembler sous vos pieds ?

Ce sont nos machines ; elles sont légion.

Ce sont nos eaux grises ; elles arrivent à gros bouillons.

© Emilie le Garben